Sylvia Renz | Adventist World Juillet-Août 2021
Mamie, raconte-moi une histoire ! » Cette supplication jaillit de ma bouche d’enfant alors que je me glisse dans le lit tout chaud de Mamie. Elle soupire. Elle préférerait sans doute dormir un peu plus longtemps ! Je me blottis contre son dos et j’écoute attentivement pour ne pas manquer un mot. Mamie me raconte toutes sortes d’histoire doucement, lentement : le petit Samuel dans le tabernacle, le brave David avec sa fronde, Jésus qui aime tous les petits enfants…
Les enfants aiment les histoires. Et Jésus aime les enfants et les histoires ! Comment est-ce que je le sais ? Eh bien, je le sais parce qu’il n’a pas inspiré les auteurs de la Bible à écrire une série de formules chimiques. De même, les Écritures ne sont pas une compilation de calculs astronomiques, de formules d’ingénierie, et ne disent rien sur les quarks et les photons. Ce qu’il nous faut savoir sur Dieu et sur son amour pour ce monde, c’est ce que le Créateur nous a dit – d’abord à Adam et Ève, et plus tard, aux auteurs bibliques inspirés du Saint-Esprit. De nombreuses personnes ont contribué à la rédaction de sa grande histoire, ajoutant une pièce du puzzle après l’autre. Certaines de ces pièces font partie du cadre de l’image ou même de ses coins. Le tableau d’ensemble n’est pas encore complété – à certains endroits, il manque encore quelques pièces. Nous pouvons laisser ces pièces de côté ou combler soigneusement les vides avec notre imagination.
DES MOTS IMAGÉS
L’imagination est un merveilleux don du Créateur car elle crée de nouveaux coins dans notre esprit, nous rappelant l’Inventeur ingénieux dont le nom humain est « Jésus ». Jésus nous raconte des histoires à travers les animaux fascinants qu’il a créés. Il suffit de penser au poisson-lanterne, lequel allume sa propre lampe pour attirer ses proies. Malheureusement, il veut aussi manger
le petit poisson curieux – ce que nous pourrions moins apprécier. Cela illustre toutefois le côté sombre de la grande histoire : manger et être mangé. Ce monde a été pris en otage par l’ennemi de Dieu – c’est ce que l’histoire tragique qui s’est déroulée en Éden et les histoires subséquentes nous apprennent.
Comment l’auteur de la Genèse l’a-t-il découvert ? A-t-il regardé une vidéo ? Reçu une vision ? Le Fils de Dieu lui a-t-il dit personnellement ce qu’il en était à la création ou à la chute ? Après tout, Moïse avait le privilège de communiquer intimement avec Dieu, comme un ami parle à son meilleur ami (voir Ex 33.11). Il n’avait peut-être pas du tout besoin d’images animées. Le Maître conteur choisissait ses mots de manière telle que ses auditeurs devenaient partie intégrante de l’histoire. C’était comme s’ils avaient regardé le Créateur planter un jardin luxuriant et, à sa parole, avaient vu le buisson de jasmin sortir de terre, et la surface du sol se revêtir soudain d’un tapis vert tendre.
Moïse a vu des bancs de harengs scintillants traverser des mers cristallines et non polluées. Il a entendu le chant d’amour des baleines, et son cœur a battu au rythme des sabots des chevaux arabes qui tonnaient dans les plaines. Avec quelle habileté le Créateur façonna Adam, insufflant en lui le souffle vivifiant comme par un baiser ! Adam fut ensuite envoyé vers l’éléphant, le zèbre et le singe capucin pour leur donner leur nom.
Tout à coup, au cœur même de cette ménagerie, Adam se sent très seul. Alors que le Créateur observe sa première créature humaine et lit dans ses yeux son ardent désir, il l’allonge doucement sur le sol et lui ferme les yeux. Pendant qu’Adam dort, Dieu prend une côte de son flanc et ferme l’espace au-dessus de son cœur (où il y avait auparavant des os) avec des tissus mous et vivants. Dieu façonne ce « matériau » pour en faire une femme qui, avec son mari, devient « l’image de Dieu ».
Cette histoire est racontée avec une telle attention aux détails qu’elle me réchauffe le cœur chaque fois que je la lis. Adam reconnaît Ève comme son homologue parfait, comme étant « os de mes os et chair de ma chair » (Gn 2.23). Nous sommes indivisibles ! Dans ces quelques mots et phrases, nous pouvons déjà percevoir le « mode d’emploi » des mariages heureux et harmonieux. Tout cela est raconté avec des mots intemporels qui peuvent être compris aussi bien par les jeunes que par les vieux, par les gens instruits que par les gens ordinaires.
THRILLERS, DRAMES, HISTOIRES D’AMOUR
Même les généalogies peuvent nous raconter des « histoires ». « Juda engendra de Thamar Pharès et Zara » ; « Salmon engendra Boaz de Rahab ; Boaz engendra Obed de Ruth » (Mt 1.3,5). Chaque nom représente une histoire, un drame familial, une espérance. « Le roi David engendra Salomon de la femme d’Urie » (v. 6) – moments d’angoisse qui nous dévoilent une tragédie désastreuse, mais nous montrent en même temps la grande miséricorde de Dieu qui peut écrire droit sur des lignes courbes.
Avec les auteurs du Nouveau Testament, nous croyons que toute la Bible a été écrite pour notre correction et notre instruction (2 Tm 3.16). Toutes ces histoires d’échecs et de victoires sont destinées à renforcer notre confiance en un Dieu tout-puissant, lequel ne se sentait pas trop puissant pour utiliser des « scribes » humains imparfaits.
SUSPENSE ET AIDE-MÉMOIRE
Lors de son séjour terrestre, le Maître conteur savait comment capter l’attention de ses auditeurs. Mille comparaisons de la vie quotidienne servaient d’aide-mémoire – le levain, l’écharde dans l’œil, le manteau rapiécé, la vigne, le figuier, les corbeaux et les lis, une ville sur une montagne. Avec toutes ces images, Jésus illustrait ses valeurs et la façon dont Dieu nous traite. Il présentait souvent ses idées sur le royaume de Dieu sous forme d’histoires passionnantes.
Ses comparaisons dépeignaient des situations quotidiennes pour ses auditeurs : la femme cherchant désespérément une pièce d’argent perdue qui fait partie de sa dot de mariage ; le berger pour qui une seule brebis est importante au point que, faisant fi de ses pieds fatigués, il entreprend le long chemin vers les montagnes, tout en l’appelant et en la cherchant jusqu’à ce qu’il retrouve ce qui était perdu. Les enfants aimaient écouter Jésus parce qu’il était capable de se connecter à eux par des histoires.
J’ai trouvé plus de 50 histoires dans le Nouveau Testament, dont certaines très détaillées. Par exemple, l’histoire d’un homme qui fut attaqué par des voleurs et laissé là, à demi mort (Lc 10.30-37). Nous pouvons littéralement « voir » la façon dont le prêtre, dégoûté, serre sa tunique propre contre lui et passe outre la victime qui saigne. C’est qu’il ne veut surtout pas se souiller ! Le lévite, lui aussi, passe outre. Mais ensuite s’approche un être méprisé par les gens pieux : un Samaritain. Nous penchons-nous avec lui sur l’homme inconscient ? Fouillons-nous avec lui dans son sac pour trouver l’outre à vin pour désinfecter les plaies, et l’huile pour les bander ? Entendons-nous le Samaritain gémir d’effort tandis qu’il soulève l’homme blessé et l’installe sur son âne ? La prochaine auberge est loin, mais rien ne peut détourner l’homme de son service d’amour. Ignorant sa propre fatigue, il s’occupe toute la nuit du blessé dans la chambre qu’il a louée, puis paie un supplément au propriétaire pour les soins prodigués au malade.
Même si nous, lecteurs modernes, ne saisissons pas pleinement les dangers de la route, ou encore, toutes les circonstances de l’opération de sauvetage, nous pouvons tous nous imaginer dans cette scène. Et nous sommes, nous aussi, troublés par la question : Qui a été le « prochain » de la victime ? C’est pourquoi l’appel de Jésus, « Va, et toi, fais de même », peut aussi toucher notre cœur.
DES OBSTACLES
Jésus ne parlait jamais de manière compliquée. Malgré tout, même ses meilleurs amis ne le comprenaient pas toujours. Lorsque Jésus prépara les disciples à la souffrance qui l’attendait, ils ne purent saisir ses paroles : « [C’]était pour eux un langage caché » (Lc 18.34). Pourquoi ne comprenaient-ils pas ? Était-ce en raison de leurs attentes ? Après tout, Pierre, se rebellant intérieurement contre le plan de salut de Dieu, avait vivement critiqué son Seigneur (voir Mt 16.21-23), parce que ce chemin ne coïncidait pas avec son propre programme. Et il n’était pas le seul.
Nos convictions et nos attitudes qui nous sont chères peuvent nous empêcher de comprendre correctement les histoires magistrales de notre Seigneur. Dans Matthieu 13.11-13, Jésus ajoute une autre raison pour laquelle il transmet ses pensées par le biais d’histoires. Ces histoires sont racontées pour que nous puissions mettre notre confiance en Dieu, nous souvenir de ses actes, et obéir à ses commandements. Mais nous ne les comprendrons correctement que si nous ouvrons notre cœur et notre esprit au Maître conteur – ce qui ne peut se produire que si nous permettons au Maître enseignant, le Saint-Esprit, de faire ce dans quoi il excelle (Jn 16.13).
DE PRÉCIEUX JOYAUX
Ces histoires sont aussi précieuses que des joyaux. Alors que Jean est exilé sur l’île de Patmos, l’ange de Dieu lui montre la nouvelle Jérusalem dans une histoire foisonnant d’images animées. L’ange mesure les murs et les portes avec un mètre d’or. Ces mesures suggèrent les dimensions parfaites de Jérusalem : rues d’or, fondements des murs en jaspe, saphir, calcédoine, émeraude, sardonyx, sardoine, chrysolithe, béryl, topaze, chrysoprase, hyacinthe, et améthyste.
Chaque souverain sacrificateur israélite avait porté ces pierres précieuses sur sa poitrine. Elles étaient censées montrer qu’il avait le peuple de Dieu – chacune de ses tribus – à cœur (voir Ex 28 ; Ap 21.19,20). Leurs noms étaient également gravés sur des pierres d’onyx sur les épaulettes de l’éphod du prêtre. Quelles histoires racontent donc ces pierres précieuses qui brillent et scintillent aujourd’hui à la lumière de la grâce de Dieu ?
Je suis particulièrement émue par une « mini-histoire » que l’on trouve dans le dernier chapitre de la Bible. Cette « mini-histoire » communique un « maxi-contenu ». En quelques mots seulement, elle décrit les critères de notre bonheur éternel. Les habitants de la nouvelle Jérusalem sont les serviteurs de Dieu dont le nom a été inscrit dans le livre de vie. Ils aiment Dieu et le « servent ». Les mots suivants nous en donnent un grand résumé : « [Ils] verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts » (Ap 22.3,4).
Son nom, sur mon front. Il n’y a pas de meilleure façon de décrire notre transformation et notre connexion à celui qui aspire à passer l’éternité avec nous.
Sylvia Renz est un auteur largement publié et profite de sa retraite active avec Werner, son mari, à Alsbach-Hähnlein, en Allemagne.