Le ministère en faveur des villes

Méditations spirituelles 25/03/2022

Publication originale de la Fédération adventiste de Martinique.

Ce ministère important est un besoin urgent. Une lecture complète des conseils d’Ellen White du service en faveur des villes tant « hors de » que « dans » celles-ci.

Pendant plus d’un siècle les adventistes du septième jour ont débattu, discuté – et n’ont pas été d’accord – sur la façon de comprendre les conseils de la fondatrice de l’Église adventiste sur la vie et le ministère dans les villes. Voici ce qu’il faut comprendre de ces écrits sur la question.

Le monde de la Bible est-il essentiellement rural ou urbain ?

La Bible mentionne au moins 119 villes. La toute première mention d’une ville se trouve dans Genèse 4, quand Caïn bâtit une ville et la nomma du nom  de son fils Enoch. D’autres villes sont mentionnées dans Genèse 10 et 11 coïncidant avec la construction de la Tour de Babel.

Dans Genèse 18, Abraham fut confronté au sort de Sodome. Réalisant la ruine qui allait advenir sur la ville, il plaida pour que Dieu fasse grâce si il s’y trouverait 50 ou 45 ou 40 ou 30 ou 20, ou même 10, qui pourraient être sauvés du désastre imminent—et la grâce de Dieu abonda.

Dieu appela Jonas à prophétiser au peuple de Ninive. Ayant fui l’appel, Jonas y fut ramené et proclama le sort de l’orgueilleuse ville. À la grande consternation de Jonas, les habitants de Ninive se repentirent et furent épargnés. Pour apaiser la déception du prophète, Dieu s’exclama : « Et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive, la grande ville où se trouve plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche, et des animaux en grand nombre ? » (Jonas 4 :11).

Dans le livre de Jérémie nous notons que le prophète envoya de Jérusalem, une lettre aux prêtres et aux anciens survivants parmi les exilés ainsi qu’aux prophètes et à tout le peuple que Nébucadnetzar avait emmené en exil de Jérusalem à Babylone. Il leur conseilla par un message venu de Dieu de s’installer et de « rechercher le bien de la ville où je vous ai menés en captivité, et priez l’Éternel en sa faveur, parce que votre bonheur dépend du sien » (Jérémie 29:7).

Jésus lui-même, alors qu’il approchait de Jérusalem pour la dernière fois, ayant œuvré en faveur de milliers de personnes dans les centres urbains à travers tout le pays, pleura sur le fait que cette ville l’ait rejeté lui et son ministère (Luc 13:34-35, voir aussi Matthieu 9:35-38).

Il semble donc que les centres urbains de toutes les époques, avec une extraordinaire concentration de personnes, fournissent un foyer de décadence où la nature humaine se révèle de manière extraordinaire. Cependant, ce n’est pas un secret que là où le péché abonde Dieu trouve une opportunité pour que sa grâce abonde encore plus (Romains 5:20).

Un dilemme adventiste

Vers la fin du dix-neuvième siècle, Ellen White se trouva dans une situation ambiguë  alors qu’elle luttait avec le problème du ministère dans les grandes villes du monde. D’un côté, elle trouvait idéal que les familles chrétiennes vivent dans des cadres ruraux où elles pouvaient éviter la corruption, la méchanceté et les problèmes sanitaires des villes et nourrir leur spiritualité dans la tranquillité d’un environnement naturel. De l’autre, elle portait le fardeau que l’Église soit proactive et ne néglige pas l’œuvre de l’évangile dans les villes. Atténuer cette négligence serait le point central de son ministère entre 1901 et 1910.

Dans les écrits d’Ellen White sur les missions dans les villes, nous découvrons  ce qu’elle appelait « l’évangélisation d’avant-poste ». Ce concept se trouve en plusieurs endroits dans ses écrits. Par exemple, elle écrivait en 1903, « c’est le plan de Dieu que notre peuple s’installe hors des villes, et que de ces avant-postes il avertisse les villes, et élèvent en eux des monuments pour Dieu. »(The review and herald – 14 avril 1903)

Un an plus tôt elle écrivait, « les villes doivent être atteintes à partir d’avant-postes, dit le messager de Dieu. Les villes ne seront-elles pas averties ? Oui, mais pas par le  peuple de Dieu qui y vit, mais par celui qui les visite pour les avertir de ce qui va survenir sur la terre. »(Lettre 182, 1902)

Il nous faut réexaminer la position que certains ont prises qui dit qu’il n’est pas bon d’installer les ouvriers évangélistes adventistes à l’intérieur des zones urbaines et qu’agir ainsi c’est apostasier en ne tenant pas compte de son conseil clair. Il est trop facile de prendre ses déclarations et de les universaliser sans examiner tout ce qu’elle a écrit sur le sujet, sans même lire soigneusement lire le contexte de ses déclarations.

Il est utile pour comprendre le développement des conseils d’Ellen White au sujet des missions urbaines d’examiner ses conseils évolutifs concernant l’éducation de la jeunesse. En Australie, en 1890, elle écrivait, « aucune éducation correcte ne peut être donnée à la jeunesse de ce pays, ou de n’importe quel autre pays, à moins  qu’elle soit à grande distance  des villes. Les coutumes et pratiques dans les villes rendent les esprits des jeunes inaptes à l’entrée de la vérité. »(Fundamentals of christian education, p 312.1)

Cependant au début du vingtième siècle, l’Église adventiste avait commencé à faire des incursions au sein des classes les plus pauvres dans quelques unes des plus grandes villes. Ainsi écrivait-elle en 1909, « autant que possible ces écoles devraient établies en dehors des villes. Mais dans les villes il y a beaucoup d’enfants qui ne pourraient fréquenter des écoles loin des villes ; et pour le bénéfice de ceux-ci des écoles devraient être ouvertes dans les villes aussi bien qu’à la campagne. »(Testimonies for the Church, vol.9, p.201)

Remarquez qu’Ellen White écrivait tant en terme d’idéal que de la réalité. L’idéal a toujours été les écoles rurales mais la réalité de la mission dictait que certaines écoles adventistes soient établies dans les villes où l’accès à l’éducation adventiste était urgente.

Ellen White était opposée à l’établissement d’institutions de l’Église adventiste dans les villes s’il était possible de l’éviter. Elle reconnaissait l’inclination des familles adventistes de s’installer autour des écoles et des hôpitaux dirigés par l’Église, amenant beaucoup de familles dans les zones urbaines si des institutions y étaient implantées. Mais elle ne préconisait pas l’approche des avant-postes quand il s’agissait d’implanter des églises locales. Au contraire, elle écrivit en 1907 :

« De manière répétée, le Seigneur nous a montré que nous devions travailler dans les villes à partir de centres de postes avancés. Dans ces villes nous devons avoir des maisons d’adoration, comme des monuments pour Dieu, mais les institutions pour la publication de notre littérature, pour le soin des malades et pour la formation des ouvriers doivent être établis hors des villes. » (Country living, 31,1)

Ellen White remarqua aussi : « Bien qu’il soit dans l’ordre de Dieu que des ouvriers choisis consacrés et talentueux habitent dans les centres de population importants pour conduire des efforts publics, il fait aussi partie de son dessein que les membres d’église qui résident dans ces villes utilisent les talents donnés par Dieu à travailler en faveur des âmes. » (The publishing ministry, p.310,2)

En 1909, elle écrivit : « le Seigneur m’a présenté le travail qui doit être fait dans nos villes. Les croyants dans ces villes doivent travailler pour Dieu dans le voisinage de leurs foyers. » Un an plus tard elle conseilla : « Particulièrement, les membres d’église vivant dans les villes doivent exercer, en toute humilité, les talents reçus de Dieu en travaillant avec ceux qui sont désireux d’entendre le message qui doit parvenir au monde à ce moment. »(The medical ministry, p 331,1)

Des années plus tôt, Ellen White avait explicitement déclaré que certains adventistes devaient aller habiter dans les villes afin d’y ériger des églises. « Nous voyons le grand besoin du travail missionnaire de porter la vérité non seulement aux pays étrangers, mais aussi à ceux qui proches de nous. Tout autour de nous, il y a des villes et des localités où aucun effort n’est fait pour sauver les âmes. Pourquoi des familles qui connaissent la vérité présente ne s’installeraient-elles pas dans ces villes et villages, pour y ériger l’étendard de Christ, en travaillant avec humilité, non pas selon leur propre voie, mais à la manière de Dieu pour amener la lumière à ceux qui n’en ont aucune connaissance ? … Des laïcs emménageront dans les villes et les localités, et dans des lieux apparemment hors des sentiers battus afin de permettre à la lumière que Dieu brille devant les autres. » (Christian service p 180, 1&2)

Ainsi, nous avons deux ensembles de conseils parallèles, un se rapportant aux institutions prenant la défense du ministère des postes avancés, et un second traitant du travail de l’église locale, prenant la défense du travail au sein des villes. Cela étant le cas, il nous faut nous demander pour quoi seul un ensemble de conseils a reçu beaucoup de publicité. La réponse indubitablement provient la réalité que les déclarations d’un point de vue ont été rassemblées et publiées de manière répétée en compilations, alors que les déclarations de l’autre, bien qu’également valables et importantes ont été parfois négligées.

Ainsi, certains adventistes ont mis en lumière une seule moitié du point de vue d’Ellen White. La lecture de 107 articles sur le travail dans les villes dans l’index périodique des écrits d’Ellen White révèle que 24 articles fournissent des instructions sur la sortie des villes ou l’établissement d’institutions hors des villes, tandis que 75 d’entre eux donnent des instructions spécifiques relatives à l’emménagement dans les villes avec une mission, et huit articles critiquent les conditions de vie dans les milieux urbains sans indiquer si il faut y entrer ou s’en éloigner.

L’œuvre dans la ville de New York

En 1901, Stephen Haskell, 68 ans et sa femme Hetty, commencèrent un ministère innovant dans la ville de New York. Ils louèrent un appartement au cinquième étage au 400 Ouest, 57ème rue à Manhattan. Ils commencèrent le travail évangélique  dans leur propre bâtiment et les bâtiments voisins, vendant des livres, donnant des études bibliques, fournissant un enseignement médical et des soins. Ellen White loua leurs efforts et leur conseilla d’établir des ministères appropriés aux besoins de leur communauté, incluant des choses telles que des restaurants végétariens, des salles de soins et des écoles de cuisines. Ce qu’elle appela « des centres d’influence ».

Au début de janvier 1902, alors que leur mission était opérationnelle depuis cinq mois environ, Ellen White leur écrivit, « notre façon de travailler doit suivre l’ordre de Dieu. Le travail qui est fait pour Dieu dans nos grandes villes ne doit pas l’être  selon les plans des hommes… Frère [Haskell], le Seigneur vous a donné une ouverture à New-York et votre œuvre missionnaire ici est d’être un exemple de ce que l’œuvre missionnaire devrait être dans les autres grandes villes… Votre travail à commencé de la bonne manière. Vous devez faire de New York un centre d’effort missionnaire… Le Seigneur désire que ce centre soit une école de formation pour les ouvriers et rien ne doit permettre l’interruption de l’œuvre. »(Évangéliser, p 384, 3-6)

Le conseil d’Ellen White sur le travail dans les villes est plus complexe que certains l’ont imaginé. Elle tenait toujours à l’idéal de la vie rurale, mais elle ne laissa jamais cet idéal l’aveugler concernant les réalités du besoin de missions urbaines. Elle était fermement attachée à l’évangélisation par les avant-postes « autant que possible » et elle se sentait confiante en recommandant le travail dans les villes de l’intérieur des métropoles quand cela impliquait l’établissement et l’expansion des églises.

Les principes du ministère urbain

Il est évident que l’évangélisation des villes des États-Unis et de monde entier est devenue plus critique à cause de l’urgence croissante de proclamer le message du premier ange, qui devait parvenir à « ceux qui vivent sur la terre – à toute nation, à toute tribu, à toute langue, et à tout peuple » (Apocalypse 14:6). Le pourcentage croissant de population vivant dans les villes, aussi bien que l’appel à conseil venant de New York, rappela le travail révolutionnaire de John Harvey Kellog et de son équipe d’employés à Chicago. D’autres efforts à San Francisco montrèrent de grands succès en amenant l’Évangile à beaucoup par le biais de divers ministères qu’Ellen White nomma la « ruche » de San Francisco.

Par la suite, elle lança un appel pour que de grands efforts soient faits pour soutenir le ministère en faveur des villes. Concernant le travail des Haskell, elle écrivit « le message que je suis invitée à transmettre à notre peuple pour ce temps est le suivant, travaillez dans les villes sans attendre, car le temps est court. Le Seigneur a maintenu cette œuvre devant nous pendant les dernières vingt années ou plus. Peu a été fait en quelques endroits mais davantage doit être fait. Je porte ce fardeau  jour et nuit parce que si peu est accompli pour avertir les habitants de  nos grands centres de population des jugements qui  vont tomber sur les transgresseurs de la loi de Dieu. »(Lola Linda messages, p 459,3).

En 1910, Ellen White rappela à la direction de l’Église, « il n’y a aucun changement dans les messages que Dieu a envoyé par le passé. L’œuvre dans les villes est le travail essentiel pour ces temps-ci. Quand le travail dans les villes sera fait comme Dieu le voudrait, il en résultera la mise en œuvre d’un puissant mouvement  tel que nous n’en avons encore point vu. Dieu appelle des hommes convertis à la vérité qui se sacrifieront pour que leur lumière brille en des rayons clairs et distincts. »(Ministry to the cities, p 28,2)


Gaspar et May-Ellen Cólon

Employés retraités après plus de 40 ans de service dans le ministère pastoral et humanitaire et la direction de l’Église adventiste du septième jour


Traduction : Patrick Griffith