Par John M. Fowler | Revue Dialogue, 2021, numéro 33-3, p. 2-3
« [C’]est en toute bonne conscience que je me suis conduit jusqu’à ce jour devant Dieu1 … » (Ac 23.1).
C’était un stylo en or coûteux, offert par un ami pour souligner une occasion spéciale. Un stylo magnifique, chic, ayant une valeur sentimentale. Soudain, il a disparu. Qu’est-ce que j’étais déçu ! Je m’en voulais d’avoir été si négligent, d’avoir tenté quelqu’un d’autre en le laissant traîner. L’avais-je laissé tomber à l’un des nombreux endroits que j’avais visités ce matin-là ? Un collègue de travail avait-il pensé qu’un cadeau était mystérieusement placé sur son chemin ? N’y pensons plus. Je ne dois pas être aussi méfiant ! Huit jours et deux annonces plus tard, le stylo est réapparu sur mon bureau. J’avais le cœur en fête !
La conscience l’a emporté.
Le coupable m’a rendu le stylo. Ravi est la meilleure surprise que j’aie eue depuis longtemps. Timide, renfermé, il était si peu bavard qu’on pensait qu’il devait être soit muet, soit ennuyeux. En classe, il semblait être inconscient de ce qui se passait autour de lui. Les encouragements du professeur ou les pressions d’un environnement agressif dans notre classe de théologie n’avaient aucun effet visible sur lui. Une fois, une discussion sérieuse sur des questions relatives à l’hérésie théologique de l’Église primitive a divisé la classe en deux, mais Ravi est resté en « territoire neutre ». Pourtant, quand l’heure de l’examen est venue, il a surpris tout le monde. Une théologie claire, un rassemblement sans faille des faits, une logique lucide, des arguments raisonnés, des documents à l’appui – bref, un document parfait ! Il a décroché un « A ». Cette surprise remonte à des années maintenant. Mais la meilleure des surprises était encore à venir. Tout récemment, j’ai reçu une lettre de Ravi : il a confessé avoir triché à cet examen, il y a très, très longtemps.
La conscience l’a emporté.
« La conscience, dit Ellen G. White, c’est la voix de Dieu qui se fait entendre au milieu du conflit des passions humaines2. » C’est l’expression la plus simple, la plus claire et la plus évidente du caractère élevé et de la dignité de la vie humaine, par opposition à toute autre forme de vie sur terre. C’est ce qui fait d’un être humain une personne. C’est, en quelque sorte, l’empreinte de Dieu même sur l’âme humaine, qu’elle soit nette ou floue.
Un crocodile peut dévorer un enfant pour son petit-déjeuner et se dorer au soleil le reste de la journée sans éprouver le moindre remords. Un singe peut allumer une allumette et mettre le feu à l’humble demeure de quelqu’un, puis éclater de rire. Un serpent peut mordre cent fois sans faire une seule fois la différence entre le bien et le mal. Cependant, le criminel humain le plus endurci doit, à un moment ou à un autre, à l’intérieur ou à l’extérieur des murs d’une prison, souffrir les affres d’une conscience blessée.
Des études montrent que la conscience s’exprime avant, pendant et/ou après un acte particulier. Avant que l’on passe à l’action, elle nous incite à réaliser l’acte correct prévu, ou nous conseille de rejeter la pensée erronée. Pendant l’acte, surtout lorsqu’il s’agit d’un acte douteux, la conscience se révèle être la plus faible. Soit nous défions constamment les directives de notre conscience, soit nous sommes tellement préoccupés par l’acte que la conscience s’en trouve négligée ou étouffée. Après l’acte, la conscience peut s’éveiller à nouveau avec force, soit en exprimant sa satisfaction pour ce qui a été fait, soit en insistant sur le remords et la réhabilitation.
Une conscience continuellement blessée, étouffée, négligée ou souillée peut finir par devenir léthargique, jusqu’au point où la distinction entre ce qui est moral et immoral, bien et mal, peut être effacée. Le jugement moral du « moi » sur le « moi » sera jugé insuffisant ou effacé, si bien que l’individu sera victime d’une profonde illusion morale. C’est l’une des raisons pour lesquelles la Bible soutient que les chrétiens doivent cultiver leur conscience jusqu’à ce qu’elle soit bonne devant Dieu (Ac 23.1), « sans reproche devant Dieu et devant les hommes » (Ac 24.16) et pure (1 Tim 3.9). Ce n’est qu’alors que l’on peut affirmer l’humanité d’une personne, d’une part, et la dignité divine accordée à un être humain, d’autre part.
Les êtres humains ne sont humains que lorsqu’ils honorent le contexte dans lequel Dieu les a créés et s’y conforment. Ce contexte, c’est chercher, trouver et vivre dans « ce témoignage de notre conscience, que nous nous sommes conduits dans le monde, et surtout à votre égard, avec sainteté et pureté devant Dieu, non point avec une sagesse charnelle, mais avec la grâce de Dieu » (2 Co 1.12).
Comment peut-on avoir une telle conscience ? L’origine latine du mot conscience nous donne un indice : la racine du mot, conscientia, signifie « connaître avec ». Ainsi, la conscience n’est pas simplement le fait de savoir, mais le fait de savoir avec quelqu’un ou quelque chose. Les chrétiens doivent affirmer qu’en toute âme et conscience, ils connaissent Quelqu’un qui est au-dessus d’eux-mêmes. Leur conscience est sous le commandement ou en accord avec Quelqu’un dont la volonté est surnaturelle, supramondaine et immuable – en bref, elle fonctionne sous la volonté de Dieu. « L’homme est censé donner à la conscience le rôle prédominant qui lui a été assigné. Les facultés physiques et mentales doivent être cultivées et développées au maximum3. »
Tant que la volonté humaine est en communion et va de pair avec la volonté de Dieu, la conscience d’une telle personne trouve à la fois son centre et sa périphérie. Une telle personne sait non seulement qui elle est, mais aussi qui elle doit être. L’idéal et le réel convergent dans la conscience d’une telle personne, obéissante envers sa source divine.
John M. Fowler, titulaire d’une maîtrise en éducation de l’université Andrews, dans le Michigan, aux États-Unis, et d’une maîtrise spécialisée de l’université de Syracuse, dans l’État de New York, est rédacteur de la revue Dialogue.
- Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.
- Ellen G. White, Testimonies for the Church, Mountain View, Calif., Pacific Press, 1948, vol. 5, p. 120.
- Idem., Tempérance, p. 111.